Réminiscences zyriabiennes  
     
     
 

Après les dix-sept noubate enregistrées au cours des dernières années, la cantatrice andalouse, Beihdja Rahal, décide de passer à un autre mode de promotion du legs musical andalou. Il s'agit d'un ouvrage – le premier-né – intitulé «la Plume, la voix et le plectre, poèmes et chants d'Andalousie», dont la vente-dédicace aura lieu cet après-midi à la librairie Kalimat.

Avec le soutien de l'ONDA et en étroite collaboration avec le spécialiste de la littérature arabo-andalouse, Saadane Benbabaali, la cantatrice zyriabienne Beihdja Rahal, dédicacera aujourd'hui son premier produit livresque intitulé «la Plume, la voix et le plectre», édité chez les éditions Barzakh. Un corpus d'une centaine de pages paru dans les deux langues (arabe et français) et accompagné d'un CD dont le contenu déroule des textes sublimes égrenés dans des mélodies appartenant au mode raml.

L'ouvrage qui n'est qu'un premier jet, selon l'interprète, convie le lecteur à s'imprégner de l'atmosphère lyrique médiévale, à travers quelques réminiscences. Quelques poèmes et chants d'Andalousie sont exhumés pour être portés au profane de la musique classique. Dans un style alerte et fluide, "engoncé" dans une maquette excellemment élaborée, le livre se veut un document didactique avec des flashes événementiels dans la trajectoire de l'espace abbaside jusqu'aux territoires du sud de la péninsule ibérique que résument Cordoue, Séville et Grenade.

Le muwasshâh, la nawba d'al-andalus au Maghreb, le système des nawbât, l'analyse des poèmes chantés, le programme de la nawba algérienne avec ses mouvements sont autre entres haltes auxquelles le lecteur est invité. «Nous avons essayé, par des rappels historiques, des explications et des analyses, d'introduire le lecteur non initié au monde merveilleux de la poésie et du chant andalous. Nous avons convié chacun à devenir ainsi le dépositaire d'un héritage fabuleux légué par des générations d'artistes.

Pendant des siècles, depuis 822, non seulement Ziryâb mais aussi tant de poètes et de musiciens anonymes ont apporté chacun leur pierre à cet édifice devenu patrimoine de l'humanité : la nawba andalouse», lit-on dans le synopsis présenté par le maître de conférences à l'université Paris III et auteur de nombreux articles sur la littérature arabe et andalouse, le Dr Saadane Benbabaali qui, par ailleurs est l'auteur du choix des textes et leur traduction de l'arabe.

Aussi, n'y a t-il pas lieu de relever quelques symphonies célestes dont s'expriment par des mélopées les soufis :

Depuis qu'on m'a coupé de la jonchaie,
Se lamente la flûte,
Ma plainte fait gémir l'homme et la femme.

Je veux un cœur déchiré par la séparation,
Pour y verser la douleur du désir.

Quiconque demeure loin de sa source,
Aspire à l'instant où il lui sera à nouveau uni".

En somme, la voix de la chanteuse qui abhorre le qualificatif de diva qui, selon elle, est un fourre-tout paresseux pour journaliste pressé de "pondre" son papier et le jeu subtil de ses musiciens [raviront], est-il noté dans la présentation de l'ouvrage, mieux que toutes les analyses, [l'ouïe du mélomane].

 

Farouk Baba-Hadji
"MIDI LIBRE" lundi 5 janvier 2009