Hommage aux cantatrices dantan
     
     
 

La diva du hawzi d’aujourd’hui a rendu un témoignage appuyé à ses grandes devancières.

Beihdja Rahal, la diva de musique arabo-andalouse, a animé ce dimanche à la Bibliothèque nationale d’El Hamma une rencontre autour du thème «L’image de la femme dans la musique andalouse». Avant de retracer l’évolution de ce style musical inépuisable, l’artiste n’a pas manqué, au passage, de rendre un vibrant hommage à la voix féminine qui a marqué et marquera pendant longtemps encore cet intarissable art du hawzi et du melhoun. Des pionnières à l’instar de Maâlma Yemna, Mériem Fekay, Chikha Tétma, Zohra El Farissia, Reinette Soltana Daoud, pour ne citer que celles-là qui ont contribué, au tout début du XXe siècle, grâce à leur talent particulier, à la promotion de la musique andalouse à travers le temps «Sans prétention aucune, je ne suis pas musicologue, je suis interprète, j’aimerais parler de mon expérience et de la place de la femme dans la musique andalouse» dira la musicienne qui voulait, n’étant pas musicologue comme elle l’a déclaré d’emblée, retracer sa propre expérience dans ce domaine assez spécifique.

Remontant dans le temps, Beihdja a présenté lors de cette rencontre une rétrospective de la place de la femme dans la musique andalouse. Evoquant inévitablement l’évolution de la nouba à travers l’histoire, Beihdja a précisé que l’organisation sociale à l’époque interdisait aux, considérées jadis comme des Mess’mâat (qui animent les fêtes) de s’afficher en public ce qui faisait que la nouba relevait exclusivement de la gent masculine. Mahieddine Bachetarzi, cheikh Larbi Bensari, Abdelkrim Bestandji, à cette même époque celle des années 20/30, étaient les chantres de la musique dite andalouse.

Ce n’est qu’après l’indépendance que la voix féminine a pu s’épanouir et s’imposer dans la vie sociale et culturelle. En réalité ce n’est que lors de la dernière décennie du XXe siècle que la femme a commencé à s’imposer et à imposer son style dans un genre musical très difficile, il est vrai. Ce n’est donc que récemment que le hawzi féminin a pris des proportions exponentielles, les enregistrant plus volontiers des répertoires du patrimoine de la musique andalouse.

Se félicitant des succès réalisés par la femme dans l’approche de la nouba, la conférencière s’est dit désolée qu’il n’y ait toujours pas de chef d’orchestre indiquant «Aujourd’hui la voix féminine c’est ce qu’on voit sur scène, c’est quand même (...) décevant qu’elle soit placée sous la direction d’un chef d’orchestre. Après tout, c’est un travail de longue haleine qui a été entamé, c’est le chanteur(se) qui dirige, il faudrait penser à changer cela» nous confie-t-elle sereinement.

Faisant allusion au nombre de musiciens au sein de différentes associations existantes, l’artiste trouve qu’une association qui se compose de 40 à 50 personnes est certes impressionnante et cela ne fait que raffermir et encourager ce genre musical, toutefois estime Beihdja Rahal pour que le public savoure le mieux ces merveilleux moments, il aurait été plus judicieux de ne prévoir qu’un(e) chanteur(se) accompagné(e) de quelques musiciens notamment lorsqu’il s’agit d’Istikhbarats, de préludes ou d’improvisations.

Vivant depuis plus de 20 années dans le pays de Molière, Beihdja nous fait savoir que malgré sa longue absence du pays natal et de la distance qui la sépare de ses fans, cela n’a entamé en rien l’amour que lui voue le public. Celui-ci lui reste très fidèle, à ses chansons et à son genre musical, comme cela a été démontré en 2001 lorsque en un seul concert «j’ai vendu près de 200 CD contre 3 CD en France», affirme l’artiste. No comment!

A la fin de cette rencontre fort instructive, la diva ne pouvait quitter l’auditoire sans le laisser faire se délecter de quelques extraits de nouba. Une pareille voix mélodieuse et cristalline ça ne s’entend pas tous les jours.

 

Sameh Bencheikh
"L'EXPRESSION" mardi 18 novembre 2003