Transmettre le legs ancestral "dans son authenticité"

     
     
 

Nouba mezdj raml el maya–raml est le nouvel album de Beihdja Rahal. C'est le 28e album de l'artiste andalouse qui œuvre toujours à la préservation, à la valorisation et à la diffusion du patrimoine musical algérien à travers les enregistrements des noubas ou encore avec son association parisienne Rythmeharmonie.

Votre nouvel album est une nouba mezdj. Est-il dans la continuité de vos précédents albums ?

Absolument ! J'ai enregistré deux tours de 12 noubas dans l'école d'Alger. J'ai maintenant entamé la série Mezdj répertoriée dans cette même école. Lorsque nous sommes dans la sauvegarde d'un legs ancestral, nous avons l'obligation de le transmettre dans son authenticité, surtout lorsque c'est une transmission orale.

Depuis quelques années, j'ai choisi de me consacrer à la transmission et à la pédagogie en multipliant les enregistrements de noubas et les ateliers de musique. Mes maîtres m'ont transmis une bonne partie de ce riche patrimoine, à mon tour d'en faire profiter la jeune génération.

Cet album, réalisé en collaboration avec YG Events, est distribué par les éditions Ostowana. La traduction de la poésie chantée est signée RassimBekhechi. Les musiciens qui m'ont accompagnée sont parmi les meilleurs dans le domaine, ils me suivent depuis plus de vingt ans.

 

«Mezdj» veut dire «mélange» ou même «fusion». Est-ce le cas de cette nouba ?

Oui, le mezdj est un mélange ou une combinaison entre deux modes qu'on alterne. Cette combinaison n'est pas anarchique. Elle s'effectue si elle est mentionnée dans nos recueils de références. Dans cet album, j'ai combiné raml el maya avec le raml en suivant ce que nous ont transmis nos maîtres. Quand on commence par un mode, on doit terminer par ce même mode. Je ne prends aucune liberté, car je suis dans la préservation du patrimoine.

 

Beaucoup se demandent comment vous avez pu enregistrer 28 noubas, alors qu'il n'y a aujourd'hui que 12 noubas dans la musique andalouse.

J'ai commencé les enregistrements en 1995. En 2004, j'avais déjà sorti 12 albums où j'avais interprété les 12 modes représentant les 12 noubas de l'école d'Alger. Il est important de préciser que la nouba est une structure qui commence par un mceddar. Ce mceddar n'est pas unique dans un mode, je peux donc faire d'autres combinaisons dans le même mode.

C'est pour cette raison que j'ai décidé ensuite de faire un 2e tour de 12 noubas. J'étais déjà à 24 albums ! J'ai enregistré un album particulier où j'ai présenté les 3 modes incomplets à Alger : araq, djarka et maoual. A partir de là, j'ai entamé la série du mezdj. Le répertoire andalou est très riche et mérite qu'on le présente au large public.

 

Pour certains, la musique andalouse algérienne est un chant d'opéra. Votre avis ?

Notre musique andalouse n'est pas écrite et se transmet oralement, elle est singulière. Pourquoi la comparer à l'opéra ? C'est une musique savante certes mais qui reste traditionnelle avec des composantes du Maghreb.

 

L'enseignement de la musique andalouse dans votre association Rythmeharmonie en France, est-il à l'occidentale ou dans la pure tradition comme dans la plupart des associations en Algérie ?

Je reste dans cette pure tradition de la transmission orale en présentiel. J'ai eu la chance d'avoir de grands maîtres pendant ma formation au conservatoire et dans les associations. Ils m'ont beaucoup appris et je leur rends hommage pour tous leurs sacrifices. Je fais profiter mes élèves de tout ce qu'ils m'ont transmis en appliquant la méthode traditionnelle que j'ai un peu développée.

Il m'arrive même d'assurer des cours en visioconférence suite à une grosse demande de personnes souhaitant bénéficier d'une formation à distance chez moi. Je travaille avec mes élèves comme je travaille quelques fois avec mes musiciens professionnels; il m'arrive de leur envoyer des fichiers mp3 par internet.

 

Avez-vous en projet la création d'une association en Algérie ?

Je réfléchis à ce projet depuis quelques années car la demande est importante. Dès qu'une opportunité se présente, je mets en place une structure spécialisée.

 

Une tournée de promotion de votre nouvel album en Algérie ?

Avec l'AARC, nous préparons une petite tournée en Algérie pour présenter cet album au public. Nous essayerons d'organiser des concerts dans plusieurs villes et pourquoi pas des rencontres et masterclass pour parler de musique andalouse. Avec YG Events, mon partenaire, nous allons travailler dans l'événementiel qui se matérialisera par la programmation de projets culturels en termes de développement artistique ici en Algérie et ailleurs.

 

Entretien réalisé par Kader Bako
"LE SOIR D'ALGERIE" dimanche 30 octobre 2022