Beihdja Rahal en aparthé
     
     
 

« La musique andalouse vécue par Beihdja Rahal »; La chanteuse andalouse Beihdja Rahal qui vient de livrer à ses mélomanes son vingtième album nous plonge dans cet univers andalou qui n'a pas livré tous ses secrets.

 

Quel est votre regard sur la musique andalouse ?

Je pense que la musique andalouse a un bel avenir devant elle. Beaucoup de jeunes rejoignent les associations qui sont de plus en plus nombreuses en Algérie. Les jeunes s'intéressent à la nouba, ils sont motivés, ils veulent faire carrière. Ils ont des modèles à présent. L'andalou, la nouba en particulier, était introuvable chez les disquaires il y a une vingtaine d'années. Maintenant, vous avez un large choix entre interprètes et associations musicales. Ce genre musical a traversé des siècles. Avec les moyens dont nous disposons à présent, nous pouvons transmettre, préserver et sauvegarder ce qui nous est parvenu.

 

Un 20ème album… et la suite ?

Nouba Dil complète la série d'enregistrements que j'ai entamé depuis 1995. Je n'avais pas en tête d'arriver jusque-là. Le public a commencé à compter, j'ai fait de même ! Nous parlons à présent du numéro 20 ! Cette nouba comporte des pièces inédites ou peu interprétées, comme le insiraf afnani del houbou raghma. Le mceddar est rarement interprété dans sa totalité. Ça permet aux associations musicales de les transmettre à leur tour aux élèves.

Une pièce inédite, el mefqoud, n'est pas une création ou une composition. C'est une pièce qui s'est perdue mais qu'on essaie de retrouver et d'authentifier avant de l'enregistrer. Le livret comporte la traduction de toute la poésie chantée en français, faite par Saadane Benbabaali, professeur de littérature arabe à Paris III. Elle comporte aussi un extrait du portrait réalisé par Kamel Bouchama dans notre 2ème ouvrage La joie des âmes dans la splendeur des paradis andalous édité par l'ANEP.

 

L'objectif d'enregistrer une partie du patrimoine andalou tient toujours la route ?

L'objectif est une chose, le réaliser en est une autre. Il est très difficile d'enregistrer des noubas, ça demande beaucoup de travail et de sacrifices. Je ne possède pas tout le patrimoine mais j'essaie d'enregistrer tout ce qu'on m'a transmis. C'est ma façon de passer le relais et d'attiser la flamme dans le cœur de cette jeune génération.

 

« La plume, la voix et le plectre» que peut-on encore dire de cet ouvrage ?

C'est un travail réalisé en étroite collaboration avec Saadane Benbabaali. Depuis quelques années, nous réfléchissons ensemble sur une manière de donner des explications aux non-initiés sur l'histoire de cette musique, la structure de la nouba, les poètes et poétesses, la poésie chantée... le public mélomane est acquis. Nous essayons de répondre aux questions de toute personne voulant découvrir cet art. C'est notre manière de contribuer à la sauvegarde de l'andalou.

Mes albums sont accompagnés d'un livret où l'on peut trouver les poèmes chantés en arabe et leur traduction en français. Dans ce livre, nous voulions que les textes soient accompagnés d'un CD. Nous accédons ainsi à un autre espace, celui des librairies et des bibliothèques. Depuis la sortie de La plume, la voix et le plectre, nous nous sommes rendu compte que l'intérêt porté à ce genre d'ouvrage était très important puisqu'il est en rupture de stock, d'où l'idée de la sortie du deuxième en novembre 2010 : La joie des âmes dans la splendeur des paradis andalous , aux éditions Anep.

 

L'enseignement de la musique andalouse en dehors des frontières est-il ardu ?

Pas du tout. C'est si agréable de chanter en face d'enfants entre 6 et 12 ans qui vont interpréter à la note près ce que vous venez de leur apprendre. La majorité ne parle pas arabe mais par le chant, la musique et beaucoup d'explications, s'intéresse à cette culture et cet art. Imaginez des enfants de 3 et 4 ans, de toute nationalité, chantant avec vous les morceaux andalous les plus connus. Quel bonheur.

Avec des amis, nous avons créé l'association Rythmeharmonie pour former et initier à la musique andalouse, des enfants et toute personne désirant découvrir, transmettre et préserver ce riche patrimoine. Des associations musicales existent déjà en France mais ce n'est jamais assez car la demande est très importante surtout au sein de la communauté algérienne. J'anime moi-même les deux ateliers, de chant et d'instrument et bien sûr, la priorité est à la nouba andalouse.

 

Entretien réalisé par S. Arslane
"LE MAG" mai 2011