Un air arabo-andalou au Grand Théâtre d'Angers  
     
     
 

La mémoire vive de la musique arabo-andalouse algéroise Beihdja Rahal et l'Orchestre arabo-andalou de l'Anjou unissent leurs talents pour un concert « Voix du monde » d'Angers Nantes Opéra.

« Pas de chaussettes de couleur et pas de robe trop courte… » . Le diable se cache dans les détails et Beihdja Rahal le sait bien. Rien ne doit détourner l'attention du spectateur de la musique et des voix.

Nous sommes au quatrième jour de répétitions, étalées sur deux weekends, du projet qui emmène la chanteuse algérienne et l'Orchestre arabo-andalou de l'Anjou dans un voyage poétique et ancestral. « C'est un répertoire qui court du IXe siècle jusqu'à la chute de Grenade, au XIVe siècle, nous précise Beihdja Rahal. Il chante l'amour, la femme, les palais, les fleurs, les oiseaux… tout ce qu'il y a de beau ! Il faut savoir qu'à l'époque, les poètes étaient médecin, mathématicien, philosophe. »

Beihdja Rahal connaît parfaitement son sujet. Elle est l'auteure de vingt-huit disques autour du « Nouba », terme employé au Maghreb « pour désigner une forme musicale, une suite de pièces instrumentales et vocales se succédant selon un ordre déterminé devenu classique grâce à une tradition bien ancrée. Les poèmes chantés représentent la partie la plus importante ; ils conjuguent assez souvent les axes profane et sacré au gré d'une herméneutique et une savante modalité. »

Elle a également écrit des ouvrages sur la musique arabo-andalouse et transmet son savoir aux enfants et aux adultes, notamment au sein de l'Elco (Enseignement de la langue et culture d'origine) et de l'association qu'elle a fondée, Rythmeharmonie.

C'est par l'entremise d'Alain Weber, le créateur des Orientales, que Ramzi Aburedwan, fondateur d'AlKamandjâti qui, rappelons-le, fête cette année ses vingt ans, et Beihdja Rahal se rencontrent. Cette dernière participera d'ailleurs au projet DEMOS, en 2021, à Angers.

Qu'est-ce qui a séduit la chanteuse et joueuse de kuitra (mandoline algérienne) dans cette aventure commune ? « Partager ce patrimoine est essentiel. Et l'intérêt ici est d'intégrer toutes les nuances de musiciens qui viennent du Maroc, d'Algérie, de Tunisie, de Palestine, de Syrie et du Liban. On se retrouve autour d'une version, d'une école algéroise. On pénètre au plus profond cette musique grâce à cette harmonie. J'aimerais d'ailleurs avoir l'occasion de jouer leur répertoire à eux.»

Même approche pour Ramzi Aburedwan: « Les débuts de l'Orchestre essayaient d'embrasser toutes les écoles mais on va désormais se concentrer sur une technique. Les Maghrébins sont d'ailleurs plus avancés que nous dans la connaissance de la culture arabe. C'est plus dur pour nous de maîtriser certaines techniques ! (rire). C'est dû à la place de l'Égypte, carrefour ancestral de beaucoup de musiques. »

L'écoute des voix et notes perçues en répétitions confirme la belle osmose entre Beihdja Rahal et les trente membres de l'Orchestre arabo-andalou de l'Anjou, composé de treize musiciens dont cinq professionnels et de dix-sept chanteurs amateurs.

 

Lelian
"LE COURRIER DE L'OUEST" mercredi 5 octobre 2022