Beihdja Rahal revient avec la nouba rasd  
     
     
 

Le nouvel album inaugure une deuxième série des douze modes

La talentueuse interprète de la musique andalouse Beihdja Rahal offre aux mélomanes, une nouvelle nouba rasd d’un grand raffinement serti de véritables perles musicales, qu’ils peuvent d’ores et déjà trouver chez les bons disquaires.Cette quatorzième œuvre d’une durée de près d’une heure est réalisée en collaboration avec l’Office national des droits d’auteur l’ONDA. Elle est éditée sous forme de CD chez Soli Music et comporte des morceaux inédits.

Comme à son accoutumée, la voix cristalline de Beihdja Rahal et sa dextérité à la kouitra transpercent les sens et transportent les auditeurs dans un univers musical hors du commun.Ce nouveau produit est également enrichi par un livret de textes poétiques interprétés dans le CD avec leurs traductions en français. Suite à l’enregistrement d’une série de douze noubas, cet opus est la deuxième nouba d’une deuxième série des douze modes.

La nouba, dont le nom rasd signifie régulière ou normale, est généralement interprétée en soirée dans les heures profondes de la nuit. Sa mélodie est fortement inspirée de la musique persane. Ainsi, après une première nouba rasd avec pour m’saddar, Ellah ya rabbi, Beihdja Rahal offre une nouvelle nouba rasd avec le m’saddar, Ya badr el boudour un véritable bijou d’une grande rareté. C’est grâce à l’aide de Mohamed Khaznadji qu’elle a pu introduire des morceaux inédits tels que le rare khlass rasd: Hal dara dhabi’ou el hima, un insiraf rasd totalement inédit: El fadjrou qad lah et un m’saddar Ya badr al boudour.

La nouvelle nouba se distingue également par le fait que l’érudite interprète n’a pas respecté les cinq modes établis. En l’occurrence, un M'saddar, un b’tayhi, un dardj, un insiraf et un khlass rasd. De ce fait, elle les a remplacés par l’istikhbar, l'inqilab et la touchia de raml maya. A ce sujet, elle a expliqué: "Quelquefois, on trouve un mode moins riche, comme par exemple les noubas rasd et mezmoum et d’autres assez riches, à l’instar de rasd maya et lahcine."

La nouvelle nouba rasd, enregistrée en mode numérique à Alger, jouit d’une grande qualité musicale, rehaussée par l’harmonie de l’interprétation de l’orchestre. Ce dernier a été étoffé par des musiciens des associations El Djenadia de Boufarik, El Gharnatia de Koléa et une association musicale de Blida.

La poésie, écrin de la musique andalouse

Le nouveau produit est accompagné d’un livret qui présente les textes interprétés. Les amateurs pourront ainsi apprécier toute la richesse d’une poésie ancestrale. A ce sujet, Beihdja Rahal avait confié: "Depuis une année, j’insiste pour avoir un livret comprenant les textes en arabe et leur traduction. Cela permet au public de suivre et de comprendre toute la beauté de la poésie." Les textes ont été privilégiés d’un effort soutenu dans la ponctuation, l’authentification et la traduction. En effet, ils ont bénéficié des compétences de Saadane Benbabaali, spécialiste des mouachehs et professeur de littérature arabe à l’université de Paris III.

Dans l’inédit du m’saddar, Ya badr al boudour, ils pourront découvrir les paroles mielleuses qui célèbrent les joies du cœur et de l’esprit dans un cadre idyllique. A l’exemple de "Reine des astres, lève-toi et sers nous à boire, le temps de la joie est arrivé. Verse à boire sans aucun répit. Ne sois pas effarouchée, je n’ai plus de patience. Au son du tambourin et du luth, en écoutant le chant des belles, dépose tes baisers sur les joues et de ton instrument fais résonner les cordes."

Dans l’autre morceau inédit, El insiraf Al fadjru qad lâh, les amateurs de paroles exquises pourront également savourer une poésie dédiée à la clémence du Divin et aux multiples jouissances dans le cadre d’une nature idyllique à l’instar de cet extrait: "Ô commensal, sers-nous donc à boire, au milieu des cours d’eau. Laisse moi aimer éperdument et sers encore à boire. Dieu est miséricordieux, et son voile nous couvrira. Lève-toi et aligne les coupes, il m’est si doux de boire avec les gazelles, parées de leurs plus beaux atouts."

Dès lors, en plus de la beauté de la musique andalouse accessible à la majorité par ses messages universels, les profanes pourront pénétrer au cœur des jardins feutrés de la poésie afin de cueillir les plus beaux fruits parfumés de rimes au goût enivrant.

Sauvegarde du patrimoine, principal souci

Dans le souci de vulgariser la musique arabo-andalouse, la virtuose a tenu à présenter son nouvel album lors d’une rencontre entrant dans le cadre des soirées ramadhanesques de la bibliothèque nationale d’El Hamma. Lors de cet événement, elle avait abordé le long travail de recherche et de répétition qui a précédé l’enregistrement de la nouvelle nouba.

Elle avait également souligné les difficultés rencontrées dans l’enregistrement de ce genre musical car "étant transmis oralement donc, sujet à des déperditions". En conséquence, elle avait mis en exergue l’importance de la recherche de morceaux musicaux authentiques afin de transmettre fidèlement cette musique ancestrale, ajoutant la nécessité de faire appel aux maîtres pour corriger ces morceaux retrouvés au fil des investigations.

 

Sihem Bounabi
"LA TRIBUNE" jeudi 10 novembre 2005