Une Nouba Dil pour le public de Beihdja Rahal
     
     
 

Btaïhi, derdj, insiraf et khlass se succéderont avec des istikhbars en voix ou en musique pour le grand public.

Pour la soirée de mercredi dernier, la salle Ibn Zeydoun, à Riad El Feth, s’est ouverte pour la musique classique algérienne. Au programme, un concert de musique andalouse avec l’orchestre de la musicienne et chanteuse Beihdja Rahal qui nous est revenue de France pour la promotion de sa nouvelle production musicale: Nouba Dil en CD chez Soli Music.

Après l’inévitable conférence de presse, Beihdja a donné rendez-vous aux mélomanes pour une dégustation en live de son œuvre. A 300 DA le billet d’entrée, le tri s’est fait de soi. L’assistance sera un public de connaisseurs et d’initiés, ou, pour le moins, des mélomanes sans œillères qui savent apprécier une création, une œuvre artistique, en tant que telle. La moyenne d’âge des spectateurs sera la quarantaine. Ce qui n’exclut pas la présence de très jeunes enfants marchant sur les traces des parents mélomanes. Pour eux, le concert sera une belle leçon de musique.

19h00 passées de quelques minutes, Beihdja Rahal et les huit musiciens de son orchestre font leur entrée sur la scène. Deux violons, deux luths, une mandoline, un kanoun, un tar (tambourin à sonnets) et une derbouka seront les huit instruments qui encadreront la kouitra de Beihdja. Le dixième instrument, et ce n’est pas le moindre, sera la voix veloutée de Beihdja qui attaque l’intro en Inklab Maoual avec koum tara. La chanteuse jouera de ce dixième instrument avec une rare habilité. La maîtrise des modulations de la voix est parfaite. Les tressaillements des cordes vocales "colleront" à la plus infime vibration du kanoun jouant sur les traces d’un mizan "métronomique" qui négocie les crescendos et decrescendos avec une justesse aiguë. On n’ira pas plus loin dans l’appréciation. L’éclairagiste de l’ENTV vient d’allumer son projecteur qu’il nous braquera en plein visage parce que le cameraman veut prendre des plans de coupe. Allez apprécier un concert de musique avec un projecteur dans la gueule! ça avait plus l’air d’un interrogatoire musclé que d’une soirée musicale. Le projecteur s’allumera et se baladera dans la salle à chaque fois que l’envie de prendre ces satanés plans de coupe s’éveille chez notre cameraman qui ne demandera l’avis de personne. Pis encore, on n’a pas intérêt à s’opposer à ses flagrantes violations du droit de la liberté de ne pas se faire filmer.

On pourra arracher de justesse l’istikhbar du kanoun et du luth qui seront salués par des youyous et des applaudissements tonitruants. La voix de Beihdja amorce un m’çadar sur lequel elle brodera des tierces et des quintes qui forceront l’admiration. B’taïhi, derdj, n’craf et khlass se succéderont avec des istikhbars en voix ou en musique pour le plus grand bonheur du public. Evidemment, le projecteur sera toujours là pour vous faire rater un istikhbar ou un n’çraf.

Beihdja culminera quand sa voix dessinera les images des cheikhate Tetma, Meriem et Fadéla en reprenant merveilleusement el kandil ou thrya. Un autre grand moment sera offert par Nacer Rahal qui exécutera quelques phrasés très jazzy sur son violon.

Il signe l’istikhbar de tlata zehoua ou m'raha. Ce sera le bouquet final pour deux heures de belle musique. Les spectateurs se dressent et offrent une standing ovation à Beihdja Rahal et son orchestre.

 

Hassan Gherab
"LA TRIBUNE" dimanche 23 septembre 2001