La voix de la nouba
     
     
 

«Le public est partout en Algérie», a déclaré Beihdja Rahal, interprète de la chanson et musique arabo-andalouse, lors d'un point de presse, hier dimanche, au théâtre de verdure, à l'occasion de la sortie de son dernier album Nouba Raml 2. Et d'ajouter : «Il est là, il suffit juste d'aller à sa rencontre», regrettant ainsi que «le public, en dehors de la capitale, soit sanctionné, frustré. Nombreux sont ceux qui n'ont jamais assisté à un récital musical arabo-andalou, mais ils apprécient cette musique», car, a-t-elle expliqué, «en l'absence d'une politique culturelle visant à promouvoir l'art et la culture régulièrement et à l'échelle nationale, il y a très peu de manifestations ou de représentations artistiques. Tout est concentré à Alger. Or Alger n'est certainement pas l'Algérie.»

Beihdja Rahal, pour qui la tâche incombe aux organisateurs d'initier des concerts, a déploré l'inexistence de réseaux de distribution et de diffusion de l'art. «Le produit musical ne se révèle disponible que dans les grandes villes, alors que dans les petites villes et les régions reculées il est introuvable». Par ailleurs, Beihdja Rahal s'est félicité de la présence de plus en plus marquante du public dans les concerts. «Il y a un public de plus en plus assidu, fidèle», a-t-elle fait constater, refusant catégoriquement l'idée que la musique arabo-andalouse soit une musique élitiste.

«C'est vrai qu'elle est classique, savante, mais pas sélective, c'est une musique qui appartient au patrimoine, et le patrimoine appartient à tous. Il faut juste savoir comment le lui faire parvenir, aimer, apprécier. Notre rôle d'ailleurs est d'intéresser le grand public par son histoire, sa culture et sa poésie», a-t-elle fait savoir. Beihdja Rahal, qui donne, le 27 février, un récital de chant et de musique arabo-andalou, à l'auditorium du théâtre de verdure, vient d'enregistrer son 17e album. «J'ai tenu à ce que mon album ne soit mis sur le marché qu'au lendemain de mon récital. J'ai voulu laisser la primauté à mon public en organisant en marge du concert une vente dédicace», a-t-elle indiqué.

S'exprimant sur son nouvel album, Beihdja Rahal, qui a commencé sa carrière artistique en 1995 et qui, depuis, ne cesse d'enregistrer album après album et d'accumuler de l'expérience et de gagner, en conséquence, une maturité musicale, a expliqué : «Mon album s'inscrit dans la continuité», estimant l'importance et la nécessité d'enregistrer le patrimoine musical, «même si les morceaux enregistrés ne peuvent former des noubas». Beihdja Rahal a précisé que son souci consiste à enregistrer des pièces inédites.

Interrogé sur la façon dont elle procède dans ses recherches pour retrouver les parties oubliées, ou les enregistrements enfouis dans les archives privées, Beihdja Rahal a refusé de révéler sa démarche de travail. «Je préfère tenir au secret mes sources», a-t-elle dit. Sur ses projets, Beihdja Rahal s'exprime : «Ma passion, c'est la nouba, et tant qu'il y a de la matière, je continuerai d'enregistrer. Mon souci majeur est de préserver ce riche patrimoine musical, et l'enregistrement se révèle un moyen efficace pour sa sauvegarde.»

Beihdja Rahal, qui vit en France, a su s'imposer au public comme étant une interprète de la chanson et de la musique arabo-andalouse. Il se trouve que, en dépit de son long parcours, jalonné d'enregistrements et de concerts, en Algérie comme à l'étranger, notamment en France, elle n'a pas participé ni à la première ni à la deuxième édition du Festival international de la musique andalouse et des musiques traditionnelles. Interrogée à ce sujet, notamment sur son absence au festival qui se tient, chaque année, au mois de décembre, Beihdja Rahal a simplement dit : «S'agissant de la première édition, je n'ai pas été contactée par les organisateurs, alors que pour la seconde édition, je l'ai été, mais tardivement, trois semaines avant la tenue du festival. En plus, les organisateurs m'ont programmée à une date, sans me consulter et voir si je suis disponible ou pas.»

Beihdja Rahal a, en outre, regretté profondément que «l'artiste algérien ne soit pas considéré, alors que l'artiste étranger on lui déroule le tapis rouge, et il est accueilli à bras ouverts». Mais si elle estime qu'il y a du mépris pour les artistes algériens, cela ne l'empêche pas de venir chanter en Algérie et représenter l'Algérie à l'étranger.

 

Yacine Idjer
"INFOSOIR" lundi 25 février 2008