La femme dans la musique andalouse

     
     
 

«Cantonnées dans les dérivés de la musique savante, la nouba, les divas de la musique classique algérienne ont fait les frais d’un ordre social qui ne leur reconnaissait pas les mêmes droits que les hommes.» C’est à ce titre que l’œuvre que Beihdja Rahal, entamée depuis 1995, date de la parution en France de son premier CD où elle interprète une nouba, le zidane, prend les allures d’une revanche sur l’histoire.

Dimanche dernier, la cantatrice était à la Bibliothèque nationale du Hamma à Alger où elle a donné une communication sur l’image de la femme dans l’art andalou. Devant l’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie, accompagné de son épouse, Rahal a conté la femme depuis Aïcha épouse du Prophète Mohamed (Qsssl), connue pour son érudition et sa force de caractère, conseillère juridique et littéraire, pour en venir aux divas que les cylindres phonographiques ont immortalisées au début du siècle dernier, petit détour par les raffinements féminins des salons de Baghdad et de ceux de Grenade en passant.

Femmes d’exception, ces cantatrices l’étaient toutes d’une manière ou d’une autre dans la mesure où l’art n’était pas fait pour elles à cette époque. A l’instar de maâlma Yamna (1859-1933), qui fit ses classes auprès de cheikh Ben Brihmat sous le couvert de femme de ménage. «Contrairement aux hommes, elles n’avaient pas le droit de posséder des cafés traditionnels où les artistes avaient coutume de se réunir,» observe Rahal. Soit, elles s’imposeront comme interprètes et musiciennes à part entière.

Des noms comme Mériem Fekaï (1890-1961), Cheikha Tetma (1891 à Tlemcen-1962 à Alger), Fadhila Dziria (1917-1970), illustre et majestueuse analphabète, «une des plus belles voix du classique algérois,» estime Rahal, Reinette l’Oranaise Daoued (1915 à Tiaret-1998 à Paris), Alice Fetoussi (1919 à Bordj Bou Arréridj-1978 à Paris) seront évoquées aujourd’hui et demain encore.

Epousant une régression qui rebute la cantatrice, Beihdja Rahal observe que les interprètes féminines de l’andalou sont souvent dirigées aujourd’hui par des chefs d’orchestre "mâles". «C’est décevant, lance-t-elle, l’interprète est elle-même chef d’orchestre, une maâlma.»

Hier, Beihdja Rahal a donné un récital à l’auditorium de la Radio algérienne, au 21, boulevard des Martyrs; le mercredi 19 novembre elle sera à la salle El Mougar à Alger; au Théâtre de Lenche à Marseille, en France, les mardi et mercredi 25 et 26 novembre; à Avignon le vendredi 28 novembre à la salle Benoît XII. Bientôt aux Etats-Unis? Dernier tour de séduction, Rahal égrènera des échantillons de la nouba accompagnée de Hamma au luth et de Tarik Hammouch à la kouitra. Elle dirigeait.

 

Aziz Yemloul
"EL WATAN" mardi 18 novembre 2003