L'artiste Beihdja Rahal à Algérie News 

     
     
 

«Je m'emploie à réunir tout l'héritage andalou pour le transmettre aux générations futures»

Beihdja Rahal compte aujourd'hui parmi les grands noms de la musique andalouse. Non contente d'aligner album sur album, elle se lance dans la préservation de la transmission du patrimoine ancien de l'art de la nouba.

 

Peut-on avoir votre sentiment après votre participation au festival de la musique et de la chanson citadine d'Annaba ?

Je suis très contente de participer à ce festival, c'est la deuxième fois que je viens à Annaba. Je suis d'autant plus heureuse, que je vais chanter le même soir que l'artiste Dib El Ayachi, que j'écoutais beaucoup quand j'étais plus jeune.

 

Vous avez entamé la collecte de plusieurs poèmes de poétesses andalouses, à l'instar de Wellada Bint El Moustakfi, Oum El Oula et Oum El Hana. Comment vous est venue cette idée, et quel est votre but ?

J'ai à mon palmarès 17 albums. Dans chacun d'eux, j'ai chanté des paroles de grands poètes andalous d'un très haut niveau, comme Ibn Khafadja, Ibn Zeydoun et Ibn El Khatib… Un jour, j'ai lu une série de poèmes qu'il avait écrits pour exprimer son amour à Wellada Bint El Moustakfi. J'ai lu aussi les poèmes qu'elle lui écrivait elle aussi, et je me suis dite que si je chante du Ibn Zeydoun, pourquoi ne pas chanter les poèmes de poétesses andalouses comme Hafsa et Oum El Oula…

C'est à partir de là que j'ai enregistré un album que j'ai intitulé «Cha'ryate». Depuis, je m'efforce à réunir le maximum de qacidate de ces femmes exceptionnelles, et de transmettre cet héritage aux générations futures.

 

Vous n'êtes pas très enthousiaste pour introduire les instruments modernes dans l'andalou, ne croyez-vous pas que cela empêcherait son développement ?

Je ne suis pas contre, chaque artiste a le droit de créer. Mais j'insiste sur une chose, il ne faut pas confondre conserver le patrimoine et changer ou modifier le patrimoine. Je peux vous dire que je préserve le patrimoine andalou en chantant tel quel.

 

Avec une telle conviction, que laissera Beihdja Rahal comme spécificité qui la distinguera par rapport aux autres artistes, où se situera votre créativité ?

C'est dans l'interprétation, la voix… C'est là que l'on va laisser notre empreinte. Si on compare notre musique classique avec la musique classique européenne, on s'aperçoit qu'il jouent en suivant les notes une par une, mais interprétées différemment. Au final, c'est ce qui distingue un chef d'orchestre d'un autre… Moi, je me retrouve dans ce genre d'art… La musique classique et le savoir-faire algérien.

 

Ne croyez-vous pas que votre genre a un public plutôt élitiste, et pensez-vous que les jeunes s'intéressent à l'andalou ?

Le fait que le public s'oriente vers la musique légère et commerciale n'est pas un phénomène typiquement algérien, il est mondial. Mais il ne faut pas oublier le public qui aime ce genre de musique. Ce genre de festival permet aux amateurs d'andalou d'apprécier les voix…

En ce qui me concerne, je n'accepterai jamais de chanter dans un stade, ce que je chante est d'une qualité telle, qu'il faut respecter le public qui vient vous écouter dans un endroit respectable. Je reçois plusieurs mails de jeunes qui disent s'intéresser au genre andalou.

 

Que pensez-vous des émissions comme Alhan oua Chabab ou Star Academy ?

C'est bien de vouloir former et orienter des nouveaux talents. Mais ce qui se fait actuellement, c'est fabriquer des stars qui, à la base, n'ont aucun talent.

 

Vous avez alerté, lors d'un précédant entretien, l'opinion publique sur les manœuvres de certaines associations, qui tentent de s'accaparer le patrimoine musical andalou au Maghreb...

Ce qui a été publié n'est ni la question qui m'a été posée, ni la réponse que j'ai donnée. La question était : Que pensez-vous des juifs qui chantent andalou ? J'ai répondu que les juifs ont vécu au Maghreb arabe et, qu'ils ont participé à enrichir et perpétuer ce patrimoine musical, qu'ils ont d'ailleurs chanté en arabe. Ils ont le droit de le défendre et de le revendiquer comme le leur. Mais ils n'ont pas le droit de dire qu'ils sont seuls héritiers de ce genre musical.

 

Que prépare Beihdja Rahal à son public ?

En collaboration avec un professeur à la Sorbonne, Monsieur Saadane Benbabaali, nous avons écrit un livre qui sera sur le marché dés le mois d'octobre, intitulé « la plume, la voix et le plectre». Le livre comporte la traduction de toutes mes chansons, de l'arabe au français, en plus d'une étude sur la chanson andalouse. Un CD de mes chansons sera joint au livre.

 

Propos recueillis par Kenza Mebarki
"ALGERIE NEWS" jeudi 18 septembre 2008