Prestation d’exception, hier soir, au théâtre national Mahiedine-Bachtarzi où tout a brillé de toute la magie du chant modulé en beauté par la grande prêtresse de la musique arabo-andalouse, Beihdja Rahal. Etonnante et envoûtante.

L’interprète privilégiée de la grande tradition des noubas qui, du côté d’Alger, continuent d’ourler le verbe en poèmes raffinés que les cours du passé faisaient chanter à longueur de journée aux divas des sérails. Par sa maîtrise exceptionnelle de la voix, par son talent et son interprétation personnalisée, Beihdja Rahal a largement conquis un public enthousiaste dans un remarquable récital au TNA, hier soir. Vêtue d’une casaque de velours bleu nuit aux parements dorés comme un habit d’académicien, la kouitra aux quatre cordes posée sur le plissé d’un saroual immaculé, Beihdja escortée de ses musiciens, a entonné avec une intensité mesurée les lents mouvements mélodieux de la nouba, laissant progressivement flotter dans l’enceinte studieuse le singulier bercement d’une complainte évoquant les trouvères ou baladins d’antan aussi bien que les accents, plus familiers, de notre répertoire classique.

Le registre privilégié de Beihdja Rahal est pourtant l’une des spécificités de l’Algérie, mais cette musique arabo-andalouse s’est nourrie de toutes les sources du monde. Les accointances avec des sons et tonalités d’autres contrées ne sont pas coïncidences. Le chant de notre soliste en tout cas est impressionnant avec ses pures et justes envolées qui captent ce que notre sensibilité auditive garde de curiosité et de liberté. Les intonations extrêmement justes de sa voix ont redonné une autre dimension à ces morceaux classiques qui sont redécouverts dans leur contexte musical en une ligne mélodieuse rare et recherchée. Ce renouveau heureux apporté par une interprétation personnalisée et spécifiquement originale est allé directement au cœur du public qui a écouté religieusement ces pièces musicales andalouses qu’il a apprécié particulièrement. C’est d’ailleurs par cette manière de toucher les cœurs et la sensibilité que Beihdja Rahal s’évertue à élargir l’audience de la musique classique algérienne à d’autres cultures.

Installée en France, elle donne des récitals dans les pays européens, contribuant par son talent élevé, à faire connaître, aimer et fidéliser l’andalou auprès des publics différents. Beihdja Rahal honore avec fierté la déclaration de son profond attachement aux racines authentiques du genre classique de la musique andalouse. Elle reconnaît devoir sa réussite à sa fidélité d’interprétation, affinée et rehaussée par l’influence des grands maîtres, aussi bien sur le plan vocal qu’au niveau instrumental. Beihdja Rahal a débuté sa carrière artistique, après une formation musicale approfondie, au sein de l’ensemble classique Essoundoussia avant d’entamer son ascension personnelle. Aujourd’hui, ses récitals sont recherchés, attirant toujours un très nombreux public. Il faut dire également que Beihdja Rahal a été magistralement accompagnée par des musiciens doués de hautes qualités professionnelles.

A noter que notre diva sortira prochainement son neuvième CD. Signalons que Beihdja Rahal donnera un autre récital demain à la salle Ibn Zeydoun. Avis aux mélomanes et surtout à ceux qui ont raté le rendez-vous du TNA.

 

Karim Marrefi
"L'ACTUALITE" mardi 19 novembre 2002