La mélodie du bonheur

 

   
     
 

Nouba raml el maya sur le marché. La voix raffinée et mélodieuse de l’andalou, Beihdja Rahal nous l’avait promise. C’est chose faite…

La nouba Raml El Maya, la 10e du nombre est disponible sur le marché depuis le 16 avril dernier, coïncidant ainsi avec la journée du savoir. Un album édité chez Cadic. Contrairement aux précédents, il ne contient pas de mafkoud, autrement dit des morceaux inédits. La particularité de cet album réside «toujours dans l’interprétation», insiste la chanteuse de musique arabo-andalouse. Ici, les morceaux sont connus. Toutefois, Beihdja a ses préférences. Un coup de cœur pour El Istikhbar dont la quatrième partie rajoutée est rarement interprétée ainsi qu’El Kadrya «pour son tempérament mélodieux et difficile en même temps. On sait qu’elle ne fait pas partie de la nouba mais elle est tellement belle par rapport aux autres. Je l’aime particulièrement», confie Beihdja. La nouveauté réside peut-être dans le Btayhi, Hobi Hobi Yazid Kola Youm qui est un morceau très peu interprété.

Pour l’enregistrement de cette nouba Raml El Maya, l’interprète de musique classique algérienne s’est entourée de ses habituels musiciens, de la même chorale et enregistré son album au même studio, toujours sous la direction artistique et technique de Bouabdellah Zerrouki. Beihdja Rahal était récemment à Alger, où elle a enregistré sa 11e nouba Sika. Après cela, il lui restera à enregistrer la dernière, la douzième nouba Mejenba. Et la boucle sera bouclée. Ensuite? «Certainement rebelote! Cela signifie que je vais enregistrer certainement d’autres noubas. Je pourrais revenir à la 1ère, Zidane, à la nouba Mezmoum ou Rasd, en étant un peu plus libre pour donner des concerts».

Notons que Beihdja Rahal a animé, récemment, un superbe concert à Rouen avec une cinquantaine de musiciens du Conservatoire de musique classique de Rouen. C’était la rencontre entre deux musiques universelles, une algérienne et l’autre européenne. «J’avais choisi quelques morceaux de la nouba que le chef d’orchestre de ce conservatoire a arrangés. On est arrivé à faire un travail en commun autour de morceaux choisis de notre patrimoine» indique la chanteuse. Et de souligner: «Ce procédé est intéressant dans la mesure où il se fait à deux. Notre musique n’a pas besoin de se faire connaître comme elle est à l’état brut, elle est belle et grande. Mais elle peut encore susciter de l’intérêt chez les musiciens européens lorsque le travail se fait en commun».

Contrairement à ses habitudes, Beihdja Rahal n’a pas prévu de concerts pour la promotion de sa nouvelle nouba, en raison bien évidemment de la guerre en Irak. Néanmoins, son carnet de route est bien chargé jusqu’à la mi-juillet, notamment le 25 avril prochain où elle se produira à Rotterdam et pleins d’autres concerts en France. Le concert qu’elle a animé en association avec l’orchestre de Rouen a eu un écho très positif, si bien qu’elle a reçu des propositions pour l’enregistrer. «Il sera disponible chez les disquaires d’ici à quelques mois», dit-elle.

Evoquant sa principale motivation, son 1er objectif qui la pousse à suivre cette voie, Beihdja dira que ce n’est pas d’enregistrer les 12 noubas, mais son but, c’est qu’on la présente comme la voix féminine de l’andalou. Qu’on dise: «la voix féminine est là ! Elle est présente et peut interpréter tous les modes de cette musique». La chanteuse constate, à juste titre, que les interprètes masculins de la nouba se font rares ces 10 dernières années. «La femme arrive en tête dans ce domaine. Cela prouve qu’elle est arrivée à s’imposer et c’est tant mieux». Les mentalités changent.

La musique andalouse n’est plus considérée comme une musique élitiste mais son public s’élargit de jour en jour. Cette musique a gagné sa place au même titre que les autres styles de musique qualifiés, à tort ou à raison, de «jeunes». «Ça peut aller ensemble», indique Beihdja Rahal. «La nouba est commerciale. Preuve s’il en est, les diverses sollicitations que je reçois de la part de mon éditeur. Cela veut dire qu’elle est très demandée». Autre exemple de sa popularité, Beihdja est souvent abordée dans la rue par des jeunes gens qui reconnaissent son talent.

La musique andalouse a bien de l’avenir.

 

O. Hind
"L'EXPRESSION" mardi 22 avril 2003