Un voyage musical de et vers lAndalousie
     
     
 

Les mélomanes et les nostalgiques de l’âge d’or de l’Andalousie ont été transportés de ravissement lors du concert donné dans la soirée de lundi dernier à l’auditorium Aïssa Messaoudi de la Radio nationale.

Sur les ailes de la passion et de l’amour, l’interprète de musique andalouse, accompagnée par son orchestre habituel, a emmené son auditoire vers les beaux rivages de la ville de Malacca en Andalousie, admirablement chantée dans le mceddarde la nouba Rasd-eddil, Ya ochaq… (ô amants…). Une nouba précédée par l’interprétation de deux enklebates moual, Djar el hawa wa ahrak… (la passion qui me brûle…) et Zarani el malih wahdou… (le bel m’a rendu visite seul…) et merveilleusement ponctués par un istikhbar moual, Khayalakoum fil aini ma zal hadhiroun… (votre ombre est dans mon regard encore présent…).

Une suite sensuellement enivrante par ses improvisations instrumentales, grâce à la virtuosité en la matière d’un Tarik Hamouche à la cithare et d’un Nadji Hamma au oud et des autres musiciens non moins émérites, Djamel Kebladj et Liès Boukoura à la kamendja, Amine Bellouni au oud, Youcef Nouar à la snitra, Khaled Ghazi au Tar et Sofiane Bouchafa à la derbouka, et qui s’achève en apothéose par la déclamation d’un derdj El fedjr zayek… (l’aube luit…), des nesrafates, Kom yesser lana el kita’nes… (lève-toi et sersnous les coupes…) et Raitou el djoulinare… (j’ai vu le vermeil du corail…), intercalées par une mélodieuse dlidla, Alaikoum tefna el djefna (de vous les pleurs…) et un khlass sur un rythme allègre, Nirane kalbi… (les feux de mon cœur…).

En deuxième partie, Beihdja Rahal a offert à l’assistance en joie un programme plus alerte, avec en entame un neklab raml el maya, Sayedi afaal ma tourid… (Mon maître fais à ton aise…), un nesraf raml el maya, Men yakoul lek men hou fi ichka… (qui t’affirme aimer…) et des khlassates dans le même mode Bayn el dhoulou…, Ya rouhi wa ya rouhani… et un hawzi du poète tlemcénien Ben Messayeb, Ait ma ndhemem… (je suis las de m’être culpabilisé…) et un khlass Achiatoun ka’anha okiane… (un crépuscule comme…) avant de poursuivre par un programme hawzi et rahawi.

Une ambiance andalouse que notre Beihdja nous a permis de revivre lors du récital qu’elle a offert dans la soirée du mercredi suivant à la salle El-Mouggar et sous l’égide de l’Office national de la culture et de l’information (ONCI) et au cours duquel elle a gratifié le public, outre cette nouba Rasd-Eddil, d’un programme aroubi, hawzi et rahawi d’un charme enivrant, à travers la déclamation du poème épique du muphti algérois, Cheikh El Qbabti, Men ybat y’rai lahbab… plus communément connu par Bellagh slami ya elwerchan… (ô ramier, transmets mon salut…), des pièces du patrimoine hawzi Memhoun men li hadjarni… (que soit plaint celui qui m’a abandonnée…), Ya layem lach tloum… (pourquoi te plains-tu…) et Mal hbibi malou… (qu’a-t-il mon amour?) du poète Ibn Messayeb et d’un florilège medh à la louange du prophète Mohamed (QLSSL) et notamment Sala Allah alik koul messa oua sbah… (que la bénédiction de Dieu soit sur Toi matin et soir…).

Une ambiance que la diva avait admirablement retracée dimanche dernier lors d’une conférence sur la voix féminine dans la musique andalouse qu’elle avait animée à la Bibliothèque nationale d’El- Hamma. Dans une modeste contribution intellectuelle à l’étude du rôle de la femme arabe et algérienne, l’interprète a mis en relief la participation des Malma’ Yamna bent el hadj el mehdi, Meriem Fekkai, Tetma Thabet, Alice Fitoussi, Fadhéla Dziria, Soltana Daoud dite l’Oranaise et les talents et individualités féminines des associations musicales de l’après-indépendance du pays, en égal avec celle de l’élément masculin et nonobstant les facteurs d’inhibition sociale, dans le développement et la préservation à travers l’histoire et durant le XXe siècle écoulé du patrimoine andalou, 'çanaâ' de l’école d’Alger en particulier. De même, l’interprète a permis à l’auditoire lors de cette conférence de connaître la rythmique modale et la structure poétique de cette musique patrimoniale et par des illustrations vocales et à travers des illustrations instrumentales avec la collaboration des deux musiciens Tarik Hamouche et Nadji Hamma.

 

Chérif Bennaceur
"LE SOIR D'ALGERIE" vend-sam 21-22 novembre 2003