Beihdja Rahal raconte les voix de femmes
     
     
 

La chanteuse Beihdja Rahal a animé, dimanche dernier, à la Bibliothèque Nationale une conférence autour de l'image de la femme dans la musique andalouse. Source intarissable d'inspiration des poètes andalous puis des paroliers maghrébins, la femme sera tenue, et pendant longtemps, de l'apprentissage de cet art. Une injustice, aujourd'hui heureusement effacée, que la chanteuse a tenu à souligner.

Dès l'introduction, la chanteuse dira les limites de ses recherches. Limites imposées par deux paramètres: «Je ne parlerai que des voix, dont les enregistrements nous sont parvenus et de celles qui ont interprété la çanaâ d'Alger, étant moi-même de cette école.» Cette précision apportée, l'interprète native d'Alger et installée en France depuis 1995 dressera une brève biographie des chanteuses qu'elle a choisies: Maâlma Yamna (1859-1933), Meriem Fekaï (1929-1961), Cheïkha Tetma, décédée en 1962, et qui a excellé dans les genres haouf et haouzi.

Elle évoquera également ses autres prédécesseurs, dont Fadila Dziria, morte le 6 octobre 1970, qui commença sa carrière en imitant Maâlma Yamna. Fadila Dziria fera son premier enregistrement à la télévision en 1955. Et s'agissant de voix féminines, Beihdja Rahal ne pouvait évoquer Reinette Daoud, plus connue sous le nom de Reinette l'Oranaise. Non-voyante dès l'âge de 2 ans, Reinette l'Oranaise a fait son apprentissage auprès du maître Saoud puis de Abderahmane Belhoucine qui compléta sa formation par l'exercice de la diction et lui enseigna la littérature arabe. Reinette l'Oranaise décédera en 1998.

La conférencière terminera par l'évocation d'une autre Algérienne de confession juive, Alice Fitoussi. Cette dernière, née en 1919 à Bordj Bou Arréridj, sera l'une des rares luthistes femmes. Elle enregistrera une série de disques 45 tours dans le genre malouf de l'école de Constantine et qui connurent un franc succès.

Ce tour d'horizon accompli, Beihdja Rahal regrettera l'exclusion pour des «raisons sociales de la musique savante maghrébine, l'andalou». «Ces femmes au talent reconnu n'ont eu accès en réalité qu'à des genres dérivés, donc moins élaborés que l'andalou comme le âroubi et le haouzi. C'est l'espace pour l'initiation de ces femmes qui faisait défaut en plus des préjugés sociaux. Alors elles se sont rabattues sur des genres plus aisés à apprendre.»

Ce soir-là, Rahal se voulait également pédagogue. Accompagnée de deux musiciens, l'un à la kouitra et le deuxième au luth, elle expliquera la nouba. Constituée de 5 mouvements m'sadar, b'taïhi, derj, insiraf et khlas, la nouba est exécutée selon 7 mouvements: djerka, raml maya, zidane, laâraq, sika, mezmoum et moual. Chaque mouvement développé en théorie, la chanteuse passe à la démonstration instrumentale et vocale. Ainsi la didactique était agrémentée par le plaisir de l'ouïe.

 

Samir Benmalek
"LE MATIN" mardi 18 novembre 2003