Beihdja Rahal sur le mode H'ssine
     
     
 

Inlassable, Beihdja Rahal continue son ambitieuse entreprise de fixer sur support magnétique les douze noubas restantes d’une Andalousie mythique. Ce mois de Ramadhan correspond au chiffre 8.

La huitième étant la présentation d’une nouba dans le mode h’ssine à laquelle Beihdja Rahal prête sa voix cristalline. Ainsi, son projet de préservation d’une partie – la plus classique ou la plus savante – du patrimoine musical arabo-andalou n’est plus qu’à un tiers de son accomplissement. Une voie que la cantatrice a entamée au milieu des années 1990, plus exactement en l’an 1995 qui avait vu la sortie du premier Compact Disc de nouba zidane. Deux ans plus tard, elle recommence avec nouba mezmoum, puis nouba rasd au même rythme biennal. L’année 2001 sera plus prolifique avec deux albums, dil et ghrib. S’ensuivront maya et rasd dil.

Un travail considérable entrepris avec sérieux et abnégation, qui installe Beihdja Rahal sur le divan féminin de la çanâa (école d’Alger), genre majeur aux côtés du malouf (école de Constantine) et du gharnati (école de Tlemcen), jusque là réservé exclusivement aux hommes, maîtres auxquels elle voue respect et reste fidèle à leur enseignement.

Des piliers et défenseurs du genre, tels Mohamed Kheznadji, Abderrezak Fakhardji, qui lui ont prodigué les premiers enseignements au conservatoire d’Alger, ou Sid-Ahmed Serri qu’elle consulte aujourd’hui volontiers à chaque entreprise musicale. Celle qui a fait ses premiers pas en tant que musicienne et interprète au sein de l’association El Fakhardjia sera par la suite une des solistes les plus appréciées d’Essoundoussia, association musicale dont elle est également membre fondateur.

Aujourd’hui entre Alger et Paris, entre sa carrière d’interprète et sa mission d’enseignante, Beihdja Rahal sera de tous les concerts, et sa voix fera la promotion d’une nouba sur le mode h’ssine. Sur les mouvements qui composent la suite, elle tisse une mosaïque de onze plages musicales, s’aventurant quelques fois sur des modes voisins, tels le ârak et djarka. Si la convention veut que la nouba soit une suite de cinq mouvements (m’çaddar, b’tayhi, dardj, insiraf,et khlass), Beihdja Rahal s’enhardit à enrichir cette trame épurée. Un inkilab (pièce chantée) en lieu et place de la touchia (prélude musical) et une kadria en guise de sortie. Pour les textes classiques, il est comme de coutumes question de descriptions bucolique, de célébrations de Bacchus, d’amours courtois ou licencieux, de complaintes de l’absent ou de soupirs de l’attente. Un délicat ouvrage sur lequel Beihdja Rahal tisse de sa voix, une impression de raffinement sans préciosité.

 

Yasmina B.
"LE MATIN" dimanche 17 novembre 2002