Une voix féminine dans l'art magrébo-andalou | ||
Sur l’initiative de l’association des amis du Bardo, Beihdja Rahal, chanteuse et interprète de noubas, a animé jeudi dernier une conférence autour des voix féminines dans l’art maghrébo-andalou, au musée du Bardo. Un exposé qu’elle qualifie de modeste, un travail effectué afin de mettre en exergue la présence des femmes dans la sphère musicale algéroise par excellence. D’abord vient Yamna Bent El Hadj El Mahdi, la seule qui portera le titre de Mâalma. Née en 1859 à la Casbah, elle fera son apprentissage auprès de cheikh Brihmat, homme de foi, grand amateur de musique et contemporain des grands maîtres du XIXè siècle tels cheikh Mnèmèche et Sfindja. C’est vers l’an 1880 qu’elle constitue son premier orchestre composé exclusivement de musiciennes. Maniant avec art les instruments à cordes, douée, mais surtout lettrée, elle interprétera outre le répertoire Âroubi, la nouba, genre classique réservé jusqu’alors aux hommes. Sa singularité réside également dans le fait qu’elle ait été la première femme à se produire à visage découvert devant un public masculin. Mais ce qui la distingue par dessus tout, c’est le nombre impressionnant d’enregistrements (500 disques) qu’elle laisse à la prospérité. Elle sera d’une grande influence et constituera le principal modèle dont va s’inspirer Meriem Fekkaï (1889-1961). Evoluant d’abord dans la sphère féminine (fêtes, noces, baptêmes), elle rejoint dés 1928 la société musicale El Motribia que présidait Mahieddine Bachtarzi. Venue tard au monde du spectacle, Meriem Fekkaï construisait son programme autour de chants Hawzi, Âroubi, ou ceux des inkilabate en y ajoutant un nouvel aspect, la danse. C’est dans son orchestre que Fadéla Madani, plus connue sous le nom de Fadéla Dziria, entonnera ses premiers istikhbarate (prélude). Née en 1917, elle fait partie de cette génération charnière qui passera un héritage musical traditionnel dans un vingtième siècle de tous les changements. Prenant elle aussi comme modèle Mâalma Yamna, elle fait ses classes auprès de Mustapha Kechkoul qui se chargera de son apprentissage. Outre les fêtes, les concerts dans la troupe de Mahieddine Bachtarzi et les soirées ramadanesques au café des sports (tenu par Hadj Mahfoud), Fadéla Dziria sera également présente dans les émissions de la radio et de la télévision. Son nom est resté lié à des titres comme ana touirri, houni kanou… Des chansons écrites et composées selon la trame classique et calquées sur les genres mineurs de la çanâa. Plus à l’ouest, à Tlemcen, Cheikha Tetma (de son vrai nom Tabet Fatima) s’était distinguée dans son interprétation du Hawzi, ce genre étant au Gharnati ce qu’est le Âroubi à la çanâa pour l’école d’Alger. Née à la fin du XIXè siècle, Cheikha Tetma s’initie à la kouitra auprès de Omar El Bakhchi, avant de faire partie d’un orchestre qui compte, entre autres musiciens et voix du Gharnati, Abdelkrim Dali. Elle quittera Tlemcen pour Alger dans les années 1940 et rejoindra Meriem Fekkaï, association qui lui permettra d’étendre son interprétation au répertoire âroubi. Quatre femmes du chant andalou auxquelles Beihdja Rahal rend hommage en cet après-midi de jeudi à travers un énoncé exhaustif qui devrait voir une suite, afin d’évoquer Sultana Daoud, Z’hor Fergani, et bien d’autres voix qui ont tenu une place dans un univers initialement masculin.
Y. B. |
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