Le rêve andalou
     
     
 

Une fois encore Beihdja Rahal, l'interprète de la musique et de la chanson arabo-andalouses, a investi, hier, la scène du Mougar. Lors de ce concert, elle a recréé par sa voix chaude et mélodieuse, l'univers andalou dans la beauté et la splendeur de ses sonorités, comme dans la somptuosité de sa poésie. Le récital qu'elle a donné et qui a drainé une assistance nombreuse, aussi bien des connaisseurs que des profanes, s'inscrit dans le cadre de la sortie de son nouvel album et qui comprend une nouba au mode Dil. Ce nouvel opus est son 20e album enregistré depuis la première série des douze modes entamée en 1997.

Beihdja Rahal a proposé à son public – plutôt partagé avec lui – des pièces qu'elle chante pour la première fois dans ce mode, à savoir un inqilab Ya badr fï oufqi as-sama suivi d'un m'saddar Tahya bi-koum (ode de Sidi Boumediene), un btayhi Malak inani, un istikhbar Kalam houb (poème soufi) puis un derdj Kadha houa al-massa. La nouba se poursuit avec trois insiraf Houbbou al-hissan, Afnani dha l'houbbou raghma et Him fi hal et se termine par un khlas Laqaytouha fi tawafi.

A chaque fois, et comme à son habitude, Beihdja Rahal s'est admirablement illustrée lors de son récital et ce, par son talent qui lui a valu l'estime et l'hommage des professionnels ainsi que de son public qui, tout au long de la soirée, prêtait une oreille attentive à sa voix et à sa musique. Il a apprécié son audace à redonner aux noubas qu'elle se plaît à interpréter brillamment en y apportant sa touche personnelle, c'est-à-dire sa sensibilité féminine et sa vitalité.

C'est ainsi que se caractérise le jeu musical de Beihdja Rahal, à savoir force, énergie et exaltation ; et c'est dans un jeu proprement distingué et joliment remarqué que l'on perçoit toute la ferveur et la passion dans l'interprétation, qu'elle soit vocale ou instrumentale. Le jeu évolue qualitativement et d'une façon très sensible et pertinente.

Beihdja Rahal, accompagnée de son orchestre, a agréablement joué, comme à son habitude, son rôle sur scène, celui de captiver l'assistance et de la charmer par une interprétation éthérée. Et pendant près d'une heure, la voix de l'andalou, une voix joliment voilée, a présenté à son public des chants empruntés à la tradition andalouse, des interprétations fortement évocatrices, caractérisées d'une vitalité extraordinaire. La voix et l'instrumentation, allant de pair, s'accompagnent conjointement, au fil du temps, dans des attitudes équilibrées, purement mélodiques.

Ce récital féérique dans sa dimension spirituelle, s'est caractérisé par une grande beauté musicale et à travers un chant élégant et attachant. L'ouïe est aussitôt plongée dans l'euphorie, la joliesse. Beihdja Rahal, qui a su se tailler une renommée internationale, est une figure incontournable de la musique andalouse, non seulement dans sa manière d'interpréter ce genre millénaire, mais aussi pour le travail colossal qu'elle déploie pour le sauvegarder.

 

Yacine Idjer
"INFOSOIR" dimanche 27 février 2011